“A bout de souffle”, Jean-Luc Godard (1959)

Synopsis :
Un jeune homme est recherché par la police en raison du meurtre d’un policier. Alors qu’il devrait fuir au plus vite, il reste dans la capitale afin d’entrer en contact avec une personne qui lui doit de l’argent et vit un flirt avec une jeune fille américaine interprétée par Jean Seaberg.

"A bout de souffle", J-L. GODARD

“A bout de souffle”, J-L. GODARD

Ce qui marque immédiatement est la vitesse avec laquelle les plans s’enchaînent, le rythme est saccadé, comme une course, quitte à perdre de la précision narrative.

Quelques indications sur la situation du personnage principal et sa psychologie sont données par les affiches de film sur lesquelles le réalisateur insiste suffisamment longtemps pour que le spectateur puisse lire le titre et apprécier la portée du plan.

On suit les personnages à un moment donné. On les retrouve plus tard mais est ce  la même journée ? Qu’on ils fait pendant ce temps ? Comment Jean Paul Belmondo et Jean Seaberg se retrouvent à plusieurs reprises sans se donner un lieu de rendez vous précis ?

Qu’importe le réalisme, ce qui compte est la rapidité du rythme, la tension qui se dégage de la fuite de JP Belmondo et de sa traque par les services de police. Cette impression est encore accrue par les scènes de vitesse en voiture, notamment dans le taxi qui n’apportent aucun élément à la structure narrative mais qui rendent une sensation de vitesse.

De même la course de Belmondo après le meurtre du policier qui contraste avec la dernière scène du film.

Le montage sous tend cette impression de rapidité. Les contre champs sont parfois éliminés.

Dans la scène du rendez vous aux Champs Elysées, le même dialogue est construit à partir de plusieurs rush, ce qui produit un léger décalage à chaque coupure et casse l’unité de temps de celui-ci. L’ennui de Jean Seaberg est ainsi immédiatement perceptible pendant qu’est ridiculisé son amant dont le propos apparaît comme saccadé, presque clownesque.

Ce mode de narration est celui de la Nouvelle Vague dont A bout de Souffle est le manifeste. D’ailleurs, GODARD insère un  clin d’œil à la revue des Cahiers du Cinéma dont les réalisateurs de la Nouvelle Vague sont issus. Crânement, GODARD résume dans cette scène la rupture de style qu’entendent créer ces derniers avec le cinéma traditionnel en faisant dire à la réalisatrice qui distribue les Cahiers du Cinéma dans la Rue “Vous n’avez rien contre la jeunesse ? “. Est aussi annoncé le changement social et la déferlante jeunesse qui bousculera les années à venir.

On retient la relation entre Michel Poiccard et Patricia , notamment la longue scène dans la chambre de cette dernière. Le décalage entre le parlé populaire de Belmondo et l’accent anglais de Jean Seaberg ajoute  du piment aux dialogues. Le parlé de Belmondo est l’occasion de monologue incroyable, frais et naturel. Ces moments sont l’occasion de décrire la personnalité de JB Belmondo, exaltée, brouillonne mais aussi poétique, qui file comme les véhicules.

Au delà du simple jeu d’acteur, le film retrace l’ambiance d’une époque : les cheveux courts à la garçonne de Jean Seaberg, ses tenues typiquement des années 60, la multiplication des voitures.

Mais surtout est annoncé le changement social qui fera tanguer toute la décennie. La libération des mœurs est  très présente. Les deux personnages principaux parlent ainsi librement de leur sexualité. Belmondo demande sans ambages  à Jean Seaberg s’ils vont coucher ensemble ce soir. On comprend également que Jean Seaberg a déjà eu des relations avec d’autres hommes. D’ailleurs, dans le film, elle trompe Belmondo avec l’attaché de presse. Et, au détour d’un dialogue, on comprend même qu’elle est enceinte, ce qui explique l’allusion à l’avortement lors du rendez vous aux Champs Elysées.

La libération des mœurs passe aussi par les images habilement distillées par Godard dans certaines scènes : affiches sur le mur ou extraits de journaux.

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