L’ascension sociale dans deux romans de Zola

Le développement de la Bourgeoisie par le commerce

Le second Empire est le théâtre de la montée des classes par l’argent et non plus par le prestige propre au système de l’Ancien Régime. La France connaît en effet alors sa révolution industrielle et les villes deviennent l’attrait économique principal, la Révolution a détruit l’ancienne hiérarchie sociale , laquelle fut reconstruite par l’ Empire sous le signe de la richesse et du mérite. La recherche du bonheur matériel explique aussi l’attitude de l’ensemble des parisiens contre Florent.

Ce dernier est le maigre, il est celui pour qui le bonheur matériel n’a que peu d’importance. Il est surtout décrit par ses qualités intellectuelles et par son apparence physique (Cf. l’idéalisme de Florent qui écrit fiévreusement dans sa chambre à la nuit tombée), signe de son désintérêt pour le plaisir de la table et du corps; d’ailleurs, son refus – voire sa peur – des avances de la poissonnière montre son rejet de tout plaisir corporel. Le Ventre de Paris se fonde en effet sur l’opposition entre les “gros ” et les “maigres; “les “gros” symbolisant ceux qui ont réussi se liguent contre les maigres qui représentent quant à eux ceux pour qui l’argent n’a pas d’importance, ceux qui ne sont pas attachés au confort matériel. Ils apparaissent dangereux et suspects car ils sont prêts à tout, ils n’ont pas peur de perdre leur considération sociale.Alors que les gros peuvent tout accepter pour ne pas perdre leur bien être matériel. Ils acceptent le régime totalitaire de l’ Empire décrit en filigrane par la peur de Lisette de l’armée parce que selon cette dernière “les affaires marchent bien “, ils trahissent leur famille qui semblait pourtant être importante au vu de l’accueil réservé à Florient et, paroxysme d’une société matérielle, c’est sous les conseils d’un prêtre que Lisa se résout à la dénonciation ! La vertu se résume ainsi à l’honnêteté financière même pour les hommes d’église.

Cette conception du monde éminemment matérialiste explique aussi les rivalités entre gros, on s’inquiète des rumeurs, on se surveille mutuellement ( Cf les personnages de madame Lecoeur et de Sariette), on cherche à se dépasser par l’apparence comme l’illustre la guerre vestimentaire que se livrent Lisa et Louise Mehudin. La recherche du capital annihile tous les rapports amicaux et amoureux , les relations sont fondées sur la rivalité sociale, sur la peur de celui qui est plus puissant de par sa richesse, de perdre ses relations qui en sont la condition sine qua none, les clients étant surtout et avant tout des clients. Chaque relation est donc fondée sur l’appât du gain comme le montre d’ailleurs l’attitude de Lisa qui, dès qu’elle apprend l’existence de son beau frère, pense à lui faire partager une part de son héritage, comme si le lien qui l’unissait à lui était une relation de droit et non de sentiments.

De même, la relation entre l’ancien garde des docks et sa femme se résume à des questions financières : elle pleure non pas son mari mais la perte de son revenu et convaint Florent de lui donner une pension. De même, entre Louise et son mari où le récit montre l’absence de sentiments forts les liant l’un et l’autre, ils ont d’abord une relation de maitre à apprenti qui semble jamais se dissiper. D’autre part, l’argent s’il est important doit être thésaurisé, Florient est donc critiqué car il est supposé être dépensier.

A noter toutefois que ce jeu de relations est typiquement parisien, c’est d’ailleurs une sensation de libération qu’éprouve Florient lors de sa virée hors de Paris, les relations y sont aussi plus sincères et humaines. Se vérifie donc sous la plume de son inventeur la théorie de la détermination des personnes par leur milieu.La ville est le théâtre de la révolution industrielle, ce qui explique cette soif des capitaux alors que la campagne est protégée de l’appat du gain.

De même, Cadine et Marjolin échappent à la conception matérialiste du monde, ils s’adonnent aux plaisirs simples et innoncent de l’amour, le plaisir corporel se trouve pour eux en dehors de tout préjugé, ces actes sont pour eux aussi naturels que l’amour fraternel entre un frère et une soeur. Plusieurs images les associent d’ailleurs à des bêtes, ils sont enfants de la campagne dans la ville. Leur comportement semble lui aussi être influencé par leur milieu. Ils se sont élevés seuls sans éducation, abandonnnés de leurs parents, Zola semble donc déduire que le comportement “par défaut” c’est à dire sans socialisation est le leur, l’appat du gain en ce qu’il prive l’être de sa dimension humaine nous est donc présenté comme une perversion.

L’ascension sociale des Femme

Nana, fille de Gervaise Macquart et de Lantier, fait ses débuts au théâtre dans un petit rôle très dénudé. Nana est un roman très étonnant car il aurait pu être écrit par Balzac de par ses thèmes. On y décrit en effet les hautes sphères de la société il est question de ducs, de liens de parenté compliqués, de toilettes magnifiques, de décors somptueux. Le monde de la presse, ses influences, sa corruption est omniprésente, ce qui rappelle Illusions perdues de Balzac. Seul point de dissonance : la présence de Nana, fille d’un ivrogne et d’une lessiveuse ayant passé toute son enfance dans le quartier de la Goutte d’Or ( CF l’Assommoir). Comment , une fille de si basse condition a-t-elle pu se glisser dans de telles relations sociales ? L’objet du livre est donc de décrire les moyens pour une femme de gravir les échelons de la société.

La première scène nous décrit très longuement un monde où tout le monde se connaît tout en se toisant, comme au théatre des Italiens chez Balzac. Puis, apparaît sur scène Nana, presque nue , ridicule dans ses gestes pompeux, ne plaisant que par son physique langoureux.Nana a du succès, elle reçoit donc le grand monde mais la soirée est désastreuse, on ne s’y amuse pas et elle découvre que ses invités sont venus pour rire d’elle et non pour lui faire honneur.
Puis, peu à peu, elle se laisse séduire par Frontan, un comédien d’abord très agréable avec elle. Elle quitte pour lui son appartement luxueux.Ils habitent plus loin de Paris mais qu’importe puisqu’elle l’aime, elle ne va plus au théatre et voit beaucoup moins d’hommes qu’auparavant. A ce stade, elle aurait pu mener la même vie que ses parents, peut être un plus confortable mais Frontan, la bat , devient intraitable, ne lui donne quasiment plus d’argent pour faire tourner le foyer, l’oblige par la force des choses à se prosituer. Elle vit dans la rue, dans la peur obsédante de la police, seule, mais, le jour, elle prend goût à la vie confortable que offre son nouveau mode de vie.

Elle revient alors dans son ancien quartier , prenant comme amant les grands de ce monde et leur soustrayant jusqu’au dernier louis. Ces étapes nous montre son ascension sociale qui n’est due qu’ à son argent (CF le développement de la société matérialitse). Elle a réussi car elle est riche, telle est son ascension par le même moyen que dans le Ventre de Paris et dans la même société qui en tout en connaissant sa prostitution l’ignore.

Elle devient alors mangeuse d’hommes, prête à tout pour les séduire et leur soutirer leur monnaie, elle ruine les dernières gradés fortunés de l’ancienne bourgeoisie qui s’essoufle, ne pouvant suivre les fastes des industriels nouvellement fortunés et c’est au détour d’une ligne, qu’il nous apparaît sa motivation profonde : c’est que sous son apparence de légèreté et de grande enfant , il y a chez Nana une volonté de sortir de la misère de ses parents, de les venger en conduisant à la faillite les plus riches du monde. Puis quand elle aura usé tous les riches de ce monde, elle usera sa fortune et sa vie pour mourir de la petite vérole en même temps que résonne les premiers coups de feu de la guerre de 1870 et que résonne la fin de l’ Empire.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *