Yi Yi

Yi Yi est un film d'Edward Yang sorti en l'an 2000 et ayant reçu le prix de la mise en scène au Festival de Cannes de la même année. Il traite de la perte, du cours de la vie ainsi et engage une réflexion sur la création artistique. Il met en scène une famille de Taiwanais aux prises avec différents événements de la vie tels qu'une grossesse non désirée, des problèmes financiers, le coma puis le décès de la grand mère de la famille, les premières amours d'une adolescente et le retour du père sur son amour de jeunesse. Si tous ces thèmes s'enchevêtrent, il n'en ressort aucun propos définitif, aucune conclusion imposée. D'ailleurs, les personnages sont souvent suivis par une camera lointaine, comme si le spectateur les observait de loin et ne pouvait avoir accès à leur psychologie ou à leurs sentiments qu'au travers de leurs dires, de leurs actes et de la mise en scène. Ce qui est frappant est que la plupart des personnages subissent la situation dans laquelle ils se trouvent. C'est vrai du jeune garçon et de l'adolescent de la fille et cela tient avant tout à leur age qui ne leur permet pas de faire encore des choix indépendants. Il reste qu'ils sont souvent mis en scène dans une situation d'observateur ou comme passager d'un véhicule, éventuellement endormi. Mais cela est aussi vrai pour les autres membres de la famille. Le film s'ouvre sur le mariage du frère de NJ, le père de la famille. On comprend immédiatement que la joie n'est pas à son comble et que le mariage est sous-tendue par la grossesse de la mariée. On fait pourtant semblant et on fête l'événement en grand, ce qui contraste avec la tristesse de la grand mère qui commence à aller mal et du petit garçon Yi Yi qui se fait embêter par des filles plus agées que lui. Son père ne rayonne pas non plus et finit par l'emmener manger dans un fast food. Sa soeur vit pendant le cours du film une amitié chaotique avec sa nouvelle voisine de palier au cours de laquelle elle assiste aux disputes de celles-ci avec son petit ami. Elle découvrira aussi que la mère de la jeune fille entretient des relations sexuelles avec des professeur de sa fille, professeur dont on apprendra à la fin du film qu'il aussi été l'amant de la jeune fille. Même les sorties au cinéma deviennent moroses et son petit ami la plante le soir de leur première nuit à l'hôtel. Les scènes suivantes montrent que ce dernier travaille dans une société qui connaît des difficultés financières et qui doit réaliser des choix stratégiques importants. NJ est cependant souvent filmé comme en dehors des conversations de ses associés, écoutant de la musique ou s'endormant en voiture. Le développement du film permettra de comprendre qu'il regrette son amour de jeunesse auquel il a renoncé pour choisir sa vie mais à qui il porte toujours des sentiments profonds. On ne peut vraiment affirmer qu'il s'agit d'amour et d'ailleurs, il se montrera incapable de répondre aux attentes de cet amour de jeunesse qu'il croise par hasard lors de la cérémonie de mariage, s'endormant dans le train, sous le regard déçu de son vieil amour. La mère de la famille ne semble aller gère mieux puisqu'il apparaît qu'elle cherche le réconfort spirituel auprès d'un moine. Dans cette vie qui les balote d'un événement à l'autre, le coma de la grand mère fait office de détonateur puisqu'ils doivent se positionner autour d'elle, alité endormie dans une chambre de leur appartement familial. La mère de famille, sa fille se désespère de ne rien trouver à lui dire pour la stimuler, ce qui la renvoie certainement à la vacuité de sa propre vie. Yi Yi refuse de parler à sa grand mère, il lui parlera plus tard en conclusion du film, lors de la cérémonie d'enterrement. Ting Ting, l'adolescente de la famille est la plus proche de ses sentiments et entretient un sentiment de culpabilité par rapport à la maladie de sa grand mère. Quant au beau père, il envie presque la situation de la malade qui lui permet d'être réellement passive. Le seul qui agit réellement est Yi Yi au travers de l'appareil photo dont il sert pour photographier la nuque des gens, c'est à dire ce que tout à chacun, y compris le propre intéressé, ne voit jamais et connaît mal. En contrepoint, se trouve d'ailleurs ce professeur ridiculisé par la narration qui s'entoure d'une petite cour d'élèves et qui dit pouvoir voir ce qui est caché en se trompant en réalité lourdement. Ainsi, s'en tenant au rapport de sa chouchoutte, il accusera Yi YI de transporter un préservatif dans sa poche alors qu'il ne s'agissait que d'un ballon de baudruche. Autrement dit, sa prescience ne repose sur rien, sinon sur des rumeurs. Yi Yi se vengera d'ailleurs de l'épisode en essayant de remplir le ballon d'eau et de le jeter sur le rapporteur. Tout cela pourrait paraître déprimant et n'avoir pas un grand intérêt mais ce serait sans compter la délicatesse du jeu des acteurs qui donne à chaque personnage un côté si attachant, qu'il s'agisse de la profonde tristesse du père, du chagrin sourd de Ting Ting et de la si belle naïveté de Yi Yi. On voit ainsi la tristesse de la mère se dissoudre dans la ville la nuit, les routes illuminées symbolisant les différentes voies qui s'offre à elle et dans un plan magnifique, elle change imperceptiblement de position et sa silhouette se superpose à une des grandes voies rapides et on comprend que sa collègue qui la côtoie alors va l'emmener en retraite spirituelle. On observe aussi NJ se perdre dans la banlieue de Tokyo avec son premier amour, comme autant de bifurcation qu'il on pris depuis mais aussi comme symbole de leur perte de repère actuelle. Ces déambulations montrent aussi que le passé ne peut être retrouvé et qu'il n'est plus possible de retrouver la voie qui mènerait en arrière. Cette longue séquence est montée en parallèle avec la première sortie en amoureuse de Yin Yin dont son père dit qu'il est jaloux de son âge, sous-entendu de l'âge de tous les possibles. Mais ce sera une déception pour l'un comme pour l'autre. Yi Yi est aussi certainement tombé amoureux de la jeune fille qui le rejoint dans la salle obscure où les élèves de la classe visionnement un documentaire sur les orages, les explications en voie off à propos de la foudre comme source de vie et du cours des nuages constitue manifestement une allégorie. Le film est ainsi construit à partir du croisement des trajectoires des uns et des autres : amours contrariété de l'oncle de Ting Ting, découverte des frissons amoureux par Yi yi, ce qui se manifeste par sa volonté de nager aussi bien que sa belle et donne lieu à de belles scènes de tentative d'apnée dans le lavabo, si tendres et touchantes de naïveté. La mise en scène porte ainsi la narration de manière très subtile et douce, ce qui entraîne le spectateur dans l'observation de sa famille, sur un temps long puisque le film dure environ 3 heures et n'hésite pas à s'attarder sur les silences, les moments d'hésitation et d'où éclot l'émotion. La musique ouvre le film avec quelques notes qui rappellent l'Ode à la Joie mais dans un tempo très différent pour toute signer le fait que ce mariage n'est pas aussi heureux qu'il devrait l'être. La copine de Ting Ting joue aussi du violencelle et on la voit en train de l'accorder. On entend aussi mère parler du talent de sa fille avec un certain dédain, ce qui conduit à établir un parallèle avec l'histoire racontée par NJ à son associé japonais. Il explique en effet avoir découvert la musique classique quand il est tombé amoureux de Sherry et que même après leur rupture, il a conservé son goût pour la musique. Il précise que Sherry n'a jamais partagé son goût pour la musique. Est ce une façon de dire que leur union ne pourrait durer, de montrer la différence irréconciliable de leur personnalité ? Toujours est il que lors du concert de musique classique, Ting Ting s'ennuie visiblement alors que son compagnon est absorbée par la musique. La nature est peu présent dans le film. Le ciel va pourtant donner quelques clés d'analyse supplémentaire à contre courant de l'analyse traditionnelle que l'on peut en avoir. Ainsi, quand Yi Ti se réfugie dans la salle de documentaire où est projetée un documentaire sur l'orage. On apprend à contempler le mouvement des nuages et le phénomène de la foudre est décrit comme l'origine de la vie résultant de la collision de deux champs opposés attirés l'un vers l'autre. Au même moment, Yi Yi découvre les jambes dénudées d'une de ses camarades et la regarde intensément pendant que sa silhouette se découpe sur l'écran montrant la foudre. La scène suivante nous montre Ting Ting sous la pluie qui pour la première fois fait personnellement la rencontre de Bouboule et cesse de jouer l'intermédiaire entre lui et sa camarade. Et finalement quand le ciel sera découvrira, ce sera le jour du meurtre par Bouboule de son professeur. Ce retournement inattendu de fin de film permet de mettre en perspective les propos de Bouboule qui avait dit à Ting Ting que le cinéma permettait de vivre plusieurs vies. C'est exactement ce que nous offre cette oeuvre et nous la vie dans toute son ampleur, y compris la forme de la plus violente pouvant se manifester dans le cercle proche de chacun. Le cinema est donc une autre façon de voir derrière la tête des autres, de comprendre ce qui est caché, d'offrir à la vue ce que personne ne peut voir parce qu'on nous ne sommes pas omniscients. Yi Yi nous offre donc un moment contemplatif, une part de la vie d'une famille confrontée à ses drames, ses moments de joie, ses regrets et ses amour. C'est la citation d'Edward Yang en début de film "Le sujet de mon film est la vie, tout simplement une vie dont j'ai voulu illustrer toute l'étendue". Le plus beau et le plus long moment de contemplation est certainement celui filmé au Japon au cours duquel TJ et Sherry tentent de comprendre la rupture de leur relation de jeunesse et se montrent en définitive incapables de renouer des liens profonds et de retrouver au moins une communion perdue. D'ailleurs, de multiples scène s'ouvrent sur un espace vide plaçant le spectateur dans la même situation qu'au théâtre, avant que le représentation ne commence. Les conventions de la narration qui supposent en principe de filmer une scène active tombe ainsi et donne au film un côté naturaliste, chacun étant confronté dans sa vie quotidienne à un réel qui peut par moment être vide. A d'autres moments, le point de vue de la camera est celui du personnage qui observe. C'est le cas au début du film, quand placée sur le balcon, Ying Ying observe sa voisine en train d'emménager et sa fille accompagnée de Bouboule. D'autres scène sont construites en mise en abyme en mettant en scène des extraits de vidéosurveillance. Et au de ces moments de la vie de tout chacun que la description littérale assèche nécessairement, le film nous donne accès à l'émotion de chaque personnage, à leur vie intérieure. C'est certainement pour cette raison que ceux qui veulent s'adresser avec des mots à la grand mère échouent de même que la mère de Yi Yi revient désabusée de sa retraite dans un temple boudhiste. Elle dit à son mari que les rôles étaient inversés et que c'est les autres qui lui parlaient. Finalement, elle comprend que les choses ne sont pas aussi compliqués qu'elle le pensait. Autrement dit, la conceptualisation de la réalité et/ou le mysticisme ne lui ont pas donné de clés supplémentaires. C'est le point de vue d'Edward Gang qui ne délivre pas un message en développant son film mais insiste sur les émotions et le cours de la vie chacun, ce qui ne l'empêche d'adopter un certain point de vue. Par exemple, le réalisateur se moque nettement du moine boudhiste qui vient pour parler de la famille et se contente en définitive d'un chèque. De même, le professeur de Yi Yi est ridiculisé quand il essaie de punir Yi Yi en affirmant que celui-ci a dans sa poche des préservatifs et qu'il n'a pas besoin de voir pour savoir. En réalité, il ne conçoit même pas qu'il existe un monde caché, une composante d'inconnue. L'oncle de Yi Yi est quant à lui superstitieux et veut un mariage qui tombe le jour de toutes les chances, un nom pour son fils qui conjurerait le mauvais sort. Résultat, son couple est un désastre, son fils n'a pas de nom pendant une longue période et si à la fin du film, il rebondit sur le plan financier, c'est uniquement pour une histoire de chance, autrement dit pour ce qui se trouvait caché aux yeux des autres. Là encore, les questions d'argent sont discréditées. Les associées de TJ apparaissent en effet vénaux et peu intelligents. Son frère fonde toute sa vie sur des questions d'argent qu'il gère mal. Les fêtes qu'il organise donnent lieu à des scandales ou des amusements peu raffinés. Et il filme plus son fils qu'il ne s'occupe de lui, pris par l'apparence de la paternité plutôt que la signification sensible de celle-ci. A l'opposé, on trouve l'homme d'affaire japonais qui fait la figure de sage, qui dépasse les faux semblants et est connecté à la nature et à ce qui est derrière le visible, comme le montre tout de magie en fin de film. Yi Yi est philosophe lui aussi. Le film se clôt par l'enterrement de sa grand mère au cours duquel il va trouver les ressources pour lui parler. Auparavant, il demandera à sa mère à quoi çà sert de parler à sa grand mère si elle ne voit pas, ce qui confirme qu'il est le personnage du réalisateur. Il explique que sa grand mère savait déjà ce qu'il avait à dire puisqu'elle lui demandait de se taire.Il avoue ne pas connaître grand chose et forme le voeu, de plus tard, à l'âge adulte, montrer aux gens ce qu'ils ne savent pas. Sa soeur a aussi grandi. Elle a connu l'amour, la mort et la trahison. Elle a été privée dans ces épreuves de la présence de sa mère et c'est donc ce contexte de privation qu'elle s'est épanouie, comme le symbolise l'épanouissement de son Saint Paulia. Elle a aussi fait la paix avec sa grand-mère, s'est débarrassée de son sentiment de culpabilité. Elle a pu voir sa grand mère dans une forme de rêve et s'est assoupie sur ses genoux en signe d'apaisement Le film se clot ainsi sans conclusion formelle, sur les deux enfants qui seuls ont réellement progressé quand les adultes n'ont pas réellement résolu leurs difficultés. C'est une forme d'espoir puisqu'on peut penser qu'ils comprendront mieux les rouages de la vie que leur ainés en ne laissant pas piéger dans une vie qu'ils n'ont pas choisi car c'est finalement ce thème qui lie tous les personnages.

Yi Yi est un film d’Edward Yang sorti en l’an 2000 et ayant reçu le prix de la mise en scène au Festival de Cannes de la même année. Il traite de la perte, du cours de la vie ainsi et engage une réflexion sur la création artistique.

Il met en scène une famille de Taiwanais aux prises avec différents événements de la vie tels qu’une grossesse non désirée, des problèmes financiers, le coma puis le décès de la grand mère de la famille, les premières amours d’une adolescente et le retour du père sur son amour de jeunesse.

 

 

 

Si tous ces thèmes s’enchevêtrent, il n’en ressort aucun propos définitif, aucune conclusion imposée. D’ailleurs, les personnages sont souvent suivis par une camera lointaine, comme si le spectateur les observait de loin et ne pouvait avoir accès à leur psychologie ou à leurs sentiments qu’au travers de leurs dires, de leurs actes et de la mise en scène.

les visages endormis

Ce qui est frappant est que la plupart des personnages subissent la situation dans laquelle ils se trouvent. C’est vrai du jeune garçon Yiyi et de sa soeur Ting Ting.  Ceci tient avant tout à leur age qui ne leur permet pas de faire encore des choix indépendants. Il reste qu’ils sont souvent mis en scène dans une situation d’observateur ou comme passager d’un véhicule, éventuellement endormi.

Mais cela est aussi vrai pour les autres membres de la famille.

Le film s’ouvre sur le mariage du frère de NJ, le père de la famille. On comprend immédiatement que la joie n’est pas à son comble et que le mariage est sous-tendue par la grossesse de la mariée. On fait pourtant semblant et on fête l’événement en grand, ce qui contraste avec la tristesse de la grand mère qui commence à aller mal et du petit garçon Yi Yi qui se fait embêter par des filles plus agées que lui. Son père ne rayonne pas non plus et finit par l’emmener manger dans un fast food.

le mariage

Sa soeur vit pendant le cours du film une amitié chaotique avec sa nouvelle voisine de palier au cours de laquelle elle assiste aux disputes de celles-ci avec son petit ami. Elle découvrira aussi que la mère de la jeune fille entretient des relations sexuelles avec des professeur de sa fille, professeur dont on apprendra à la fin du film qu’il aussi été l’amant de la jeune fille. Même les sorties au cinéma deviennent moroses et son petit ami la plante le soir de leur première nuit à l’hôtel.

Yi yi l'incommucabilitéLes scènes suivantes montrent que le père NJ travaille dans une société qui connaît des difficultés financières et qui doit réaliser des choix stratégiques importants. NJ est cependant souvent filmé comme en dehors des conversations de ses associés, écoutant de la musique ou s’endormant en voiture. Le développement du film permettra de comprendre qu’il regrette son amour de jeunesse, Sherry,  auquel il a renoncé pour choisir sa vie mais à qui il porte toujours des sentiments profonds. On ne peut vraiment affirmer qu’il s’agit d’amour et d’ailleurs, il se montrera incapable de répondre aux attentes de cet amour de jeunesse qu’il croise par hasard lors de la cérémonie de mariage, s’endormant dans le train, sous le regard déçu de Sherry. La mère de la famille ne semble aller gère mieux puisqu’il apparaît qu’elle cherche le réconfort spirituel auprès d’un moine.

Dans cette vie qui les ballote d’un événement à l’autre, le coma de la grand mère fait office de détonateur puisqu’ils doivent se positionner autour d’elle, alitée, endormie dans une chambre de leur appartement familial. La mère de famille, sa fille se désespère de ne rien trouver à lui dire pour la stimuler, ce qui la renvoie certainement à la vacuité de sa propre vie.  Ting Ting, l’adolescente de la famille est la plus proche de ses sentiments et entretient un sentiment de culpabilité par rapport à la maladie de sa grand mère. Quant au beau père, il envie presque la situation de la malade qui lui permet d’être réellement passive.

Parler à la grand mère

yi yi appareil photo Le seul qui agit réellement est Yi Yi au travers de l’appareil photo dont il sert pour photographier la nuque des gens, c’est à dire ce que tout à chacun, y compris le propre intéressé, ne voit jamais et connaît mal.

Tout cela pourrait paraître déprimant et n’avoir pas un grand intérêt mais ce serait sans compter la délicatesse du jeu des acteurs qui donne à chaque personnage un côté si attachant, qu’il s’agisse de la profonde tristesse du père, du chagrin sourd de Ting Ting et de la si belle naïveté de Yi Yi. On voit ainsi la tristesse de la mère se dissoudre dans la ville la nuit, les routes illuminées symbolisant les différentes voies qui s’offre à elle et dans un plan magnifique, elle change imperceptiblement de position, sa silhouette se superpose à une des grandes voies rapides et on comprend que sa collègue qui la côtoie alors va l’emmener en retraite spirituelle.

La mère et la ville

On observe aussi NJ se perdre dans la banlieue de Tokyo avec son premier amour, comme autant de bifurcation qu’il on pris depuis mais aussi comme symbole de leur perte de repère mutuelle. Ces déambulations montrent aussi que le passé ne peut être retrouvé et qu’il n’est plus possible de retrouver la voie qui mènerait en arrière. Cette longue séquence est montée en parallèle avec la première sortie en amoureuse de Yin Yin dont son père dit qu’il est jaloux de son âge, sous-entendu de l’âge de tous les possibles. Mais ce sera une déception pour l’un comme pour l’autre.

Sur le chemin de la jeunesse

La mise en scène porte ainsi la narration de manière très subtile et douce, ce qui entraîne le spectateur dans l’observation de sa famille, sur un temps long puisque le film dure environ 3 heures et n’hésite pas à s’attarder sur les silences, les moments d’hésitation d’où éclot l’émotion.

yi yi violoncelleyi yi concert La musique ouvre le film avec quelques notes qui rappellent l’Ode à la Joie mais dans un tempo très différent pour signer le fait que ce mariage n’est pas aussi heureux qu’il devrait l’être. La copine de Ting Ting joue aussi du violoncelle et on la voit en train de l’accorder. On entend aussi mère parler du talent de sa fille avec un certain dédain, ce qui conduit à établir un parallèle avec l’histoire racontée par NJ à son associé japonais. Il explique en effet avoir découvert la musique classique quand il est tombé amoureux de Sherry et que même après leur rupture, il a conservé son attachement à la musique, attachement  dont il  précise que Sherry ne l’a jamais partagé avec lui.
Est ce une façon de dire que leur union ne pourrait durer, de montrer la différence irréconciliable de leur personnalité ? Toujours est il que lors du concert de musique classique, Ting Ting s’ennuie visiblement alors que son compagnon est absorbé par la musique.

La nature est peu présente dans le film. Le ciel va pourtant donner quelques clés d’analyse supplémentaires à contre courant de l’analyse traditionnelle que l’on peut en avoir. Ainsi, quand Yi Ti se réfugie dans la salle de documentaire où est projetée un documentaire sur l’orage. On y  contemple le mouvement des nuages et le phénomène de la foudre est décrit comme l’origine de la vie résultant de la collision de deux champs opposés attirés l’un vers l’autre. Au même moment, Yi Yi découvre les jambes dénudées d’une de ses camarades et la regarde intensément pendant que sa silhouette se découpe sur l’écran, symbolisant ainsi le coup de foudre.

Coup de foudre

La scène suivante nous montre Ting Ting sous la pluie qui pour la première fois fait personnellement la rencontre de Bouboule et cesse de jouer l’intermédiaire entre lui et sa camarade. Et finalement quand le ciel sera découvrira, ce sera le jour du meurtre par Bouboule de son professeur.

 

Ce retournement inattendu de fin de film permet de mettre en perspective les propos de Bouboule qui avait dit à Ting Ting que le cinéma permettait de vivre plusieurs vies. C’est exactement ce que nous offre cette oeuvre et  qui nous montre  la vie dans toute son ampleur, y compris la forme de la plus violente pouvant se manifester dans le cercle proche de chacun.

Le cinema est donc une autre façon de voir derrière la tête des autres, de comprendre ce qui est caché, de donner à voir ce que personne ne peut voir parce qu’on nous ne sommes pas omniscients. Yi Yi nous offre donc un moment contemplatif, une part de la vie d’une famille confrontée à ses drames, ses moments de joie, ses regrets et ses amour. C’est la citation d’Edward Yang en début de film “Le sujet de mon film est la vie, tout simplement une vie dont j’ai voulu illustrer toute l’étendue”. Le plus beau et le plus long moment de contemplation est certainement celui filmé au Japon au cours duquel TJ et Sherry tentent de comprendre la rupture de leur relation de jeunesse et se montrent en définitive incapables de renouer des liens profonds et de retrouver au moins une communion perdue. yi yi de la différence de point de vueyi yi la moitié de la véritéyi yi je ne vois pas ce que j'ai dans le dos

Derrière la tête des gens

D’ailleurs, de multiples scène s’ouvrent sur un espace vide plaçant le spectateur dans la même situation qu’au théâtre, avant que le représentation ne commence. Les conventions de la narration qui supposent en principe de filmer une scène active tombent ainsi et donnent au film un côté naturaliste, chacun étant confronté dans sa vie quotidienne à un réel qui peut par moment être vide. A d’autres moments, le point de vue de la camera est celui du personnage qui observe. C’est le cas au début du film, quand placée sur le balcon, Ying Ying observe sa voisine en train d’emménager et sa fille accompagnée de Bouboule. D’autres scène sont construites en mise en abyme en mettant en scène des extraits de vidéosurveillance.

Yi yi

Au delà de ces moments de la vie de tout chacun que la description littérale assèche nécessairement, le film nous donne accès à l’émotion de chaque personnage, à leur vie intérieure.

C’est certainement pour cette raison que ceux qui veulent s’adresser avec des mots à la grand mère échouent de même que la mère de Yi Yi revient désabusée de sa retraite dans un temple boudhiste. Elle dit à son mari que les rôles étaient inversés et que c’est les autres qui lui parlaient. Finalement, elle comprend que les choses ne sont pas aussi compliqués qu’elle le pensait. Autrement dit, la conceptualisation de la réalité et/ou le mysticisme ne lui ont pas donné de clés supplémentaires. C’est le point de vue d’Edward Yang qui ne délivre pas un message en développant son film mais insiste sur les émotions et le cours de la vie chacun, ce qui ne l’empêche d’adopter un certain point de vue. Par exemple, le réalisateur se moque nettement du moine boudhiste qui vient pour parler de la famille et se contente en définitive d’un chèque.

De même, le professeur de Yi Yi est ridiculisé quand il essaie de punir Yi Yi en affirmant que celui-ci a dans sa poche des préservatifs et qu’il n’a pas besoin de voir pour savoir. En réalité, il ne conçoit même pas qu’il existe un monde caché, une composante d’inconnue.

L’oncle de Yi Yi est quant à lui superstitieux et veut un mariage qui tombe le jour de toutes les chances, un nom pour son fils qui conjurerait le mauvais sort. Résultat :son couple est un désastre, son fils n’a pas de nom pendant une longue période et si à la fin du film, il rebondit sur le plan financier, c’est uniquement pour une histoire de chance, autrement dit pour ce qui se trouvait caché aux yeux des autres . Les associées de TJ apparaissent quant  à eux  vénaux et peu intelligents. Son frère fonde lui aussi toute sa vie sur des questions d’argent qu’il gère mal. Les fêtes qu’il organise donnent lieu à des scandales ou des amusements peu raffinés. Et il filme plus son fils qu’il ne s’occupe de lui, pris par l’apparence de la paternité plutôt que la signification sensible de celle-ci.

yi yi le magicienA l’opposé, on trouve l’homme d’affaire japonais qui fait la figure de sage, qui dépasse les faux semblants.  Ce qui est caché lui est accessible, comme le montre tout de magie en fin de film.

Yi Yi est philosophe lui aussi. Le film se clôt par l’enterrement de sa grand mère au cours duquel il va trouver les ressources pour lui parler. Auparavant, il demandera à sa mère à quoi çà sert de parler à sa grand mère si elle ne voit pas, ce qui confirme qu’il est le personnage du réalisateur. Il explique que sa grand mère savait déjà ce qu’il avait à dire puisqu’elle lui demandait de se taire.Il avoue ne pas connaître grand chose et forme le voeu, de plus tard, à l’âge adulte, montrer aux gens ce qu’ils ne savent pas.

Sa soeur a aussi grandi. Elle a connu l’amour, la mort et la trahison. Elle a été privée dans ces épreuves de la présence de sa mère et c’est donc ce contexte de privation qu’elle s’est épanouie, comme le symbolise la floraison de son Saint Paulia. Elle a aussi fait la paix avec sa grand-mère, s’est débarrassée de son sentiment de culpabilité. Elle a pu voir sa grand mère dans une forme de rêve et s’est assoupie sur ses genoux en signe d’apaisement

Conclusion

Le film se clot ainsi sans conclusion formelle, sur les deux enfants qui seuls ont réellement progressé quand les adultes n’ont pas réellement résolu leurs difficultés. C’est une forme d’espoir puisqu’on peut penser qu’ils comprendront mieux les rouages de la vie que leur ainés en ne laissant pas piéger dans une vie qu’ils n’ont pas choisie.

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